samedi 24 novembre 2012

L'évolution des consonnes en franconorrois

Le lecteur trouvera ci-dessous la liste préliminaire des équivalences entre les consonnes du norrois étrangères au français et celles du franconorrois. Ces équivalences sont définies selon la méthode suivante (voir ici et ) :
Un phonème norrois absent de la compétence phonologique des francophones a pour équivalent, en franconorrois, le premier stade présent dans l'inventaire phonologique du français de son évolution au sein de la toponymie ou des emprunts français au norrois.
Ces résultats sont susceptibles d'évoluer sensiblement selon l'avancement du projet. Par souci de clarté, les exemples norrois (nor.) sont en vieil islandais. Toutefois, il est nécessaire de garder à l'esprit que ce dialecte ne correspond pas à la variété de norrois qui a été, entre autre, parlée en France (voir ici).

Les occlusives
  • Les occlusives sourdes aspirées [pʰ], [tʰ] et [kʰ] du norrois deviennent des occlusives sourdes non aspirées en franconorrois : [p] [t] [k]. ex. nor. kaldr [kʰɑldɽ] → frn. [kald] froid
Les fricatives
  • La fricative bilabiale sourde [ɸ] du norrois devient une fricative dento-labiale sourde [f] en franconorrois. ex. nor. topt [tʰoɸt] → frn. [toft] terrain
  • La fricative dentale sourde [θ] du norrois devient une occlusive dentale sourde [t] en franconorrois. ex. nor. þing [θiŋ] → frn. [tiŋ] assemblée
  • La fricative dentale sonore [ð] du norrois devient, en franconorrois, une occlusive dentale sonore [d] lorsqu'elle est en position initiale ou précédée d'une consonne, et s'efface lorsqu'elle est précédée d'une voyelle. ex. nor. harðr [hɑrðɽ] → frn. [ʔaʁd] dur ; nor. góðr [goːðɽ] → frn. [go] bon
  • La fricative vélaire sourde [x] du norrois disparait lorsqu'elle précède un [w], et devient une occlusives vélaire sourde [k] lorsqu'elle précède un [t] ou un [s]. ex. nor. hvalr [xwɑlɽ] baleine → frn. [wal] ; nor. dags [dɑxs] → frn. [daks] jour-GenSg
  • La fricative vélaire sonore [ɣ] du norrois devient une occlusive vélaire sonore [g] en franconorrois. ex. nor. hugr [huɣɽ] → frn. [ʔug] avis
  • La fricative glottale [h] du norrois devient une occlusive glottale [ʔ] en franconorrois, lorsqu'elle précède une voyelle. Elle est soit réalisée phonétiquement, soit non (ex. il le hait). ex. nor. hestr [hestɽ] → frn. [ʔɛst] étalon
Les roulantes
  • La roulante dentale sonore [r] du norrois devient une fricative uvulaire [ʁ] en franconorrois. ex. nor. ráð [rɑːð] → frn. [ʁa] conseil
  • La roulante rétroflexe sonore [ɽ] du norrois devient, en franconorrois, une fricative uvulaire [ʁ] lorsqu'elle suit directement une voyelle, et s'efface lorsqu'elle suit directement une consonne. ex. nor. hár [hɑːɽ] → frn. [ʔaʁ] chien de mer ; nor. refr [revɽ] → frn. [ʁɛv] renard
Les sonantes
  • Les sonantes sourdes [r̥] et [l̥] du norrois deviennent les consonnes sonores [ʁ] et [l] en franconorrois, lorsqu'elles sont en position initiale. ex. nor. hringr [r̥iŋɽ] → frn. [ʁiŋ] cercle ; nor. hlið [l̥ið] → frn. [li] côté
  • La nasale dentale sourde [n̥] du norrois devient une une nasale dentale sonore [n] lorsqu'elle est en position initiale, et une dentale sonore précédée d'une voyelle antérieure mi-ouverte non arrondie [ɛn] lorsqu'elle est précédée d'une occlusive sourde. ex. nor. hnot [n̥ot] → frn. [not] noix ; nor. vatn [wɑt] → frn. [watɛn] eau
La latérale
  • La spirante latérale sonore vélarisée [ɫ] du norrois devient, en franconorrois, une spirante latérale sonore non vélarisée lorsqu'elle est en position finale ou intervocalique, et s'efface en arrondissant la voyelle précédente (et en la fermant, si c'est un [o] ou un [ɑ]) lorsqu'elle est directement suivie d'une consonne. ex. nor. hol [hoɫ] → frn. [ʔol] creux ; nor. álfr [ɑːɫvɽ] → frn. [ov] elfe


mercredi 31 octobre 2012

Adaptation des variantes contextuelles du norrois

Pour l'adaptation des variantes contextuelles des phonèmes du norrois, deux méthodes sont envisageables :
  1. La première consiste, comme pour les phonèmes, à remplacer les sons absents de la compétence phonologique des francophones par le premier stade présent dans l'inventaire phonologique du français de leur évolution au sein de la toponymie ou des emprunts français au norrois (A).
  2. La seconde consiste à remplacer les variantes contextuelles par la manifestation la moins contrainte du phonème auquel elles correspondent (B).
Cette seconde méthode semble d'abord plus simple, et, contrairement à la méthode en (A), elle permet de conserver certaines oppositions du norrois telles que l'opposition entre les trois voyelles inaccentuées [ɪ], [ʊ] et [ɐ]. Mais nous verrons cependant qu'elle pose problème si l'on cherche à ce que la langue cible et la langue recréée soient linguistiquement apparentées.


Nous avons vu que l'adaptation du phonème /θ/ selon la méthode en (A) est /t/ (ex : þrep > Tribehou). En conséquence, si l'on opte pour la méthode en (B), l'adaptation de la variante contextuelle [ð] de /θ/ est aussi [t]. Cette méthode suppose un changement ð > t, sans changement d > t. C'est un phénomène impossible dans les langues naturelles.
En effet, un changement spontané ð > t suppose une contrainte qui interdit la présence d'obstruantes plus sonores que t. Une telle contrainte impliquerait donc aussi un changement d > t. Cette méthode ne permet donc pas une continuité de l'analyse phonologique entre la langue recréée et la langue cible. En d'autres termes, la phonologie peut rendre compte de l'évolution entre le proto-germanique et le norrois, mais pas entre le norrois et le franconorrois. Il devient donc impossible, d'un point de vue strictement linguistique, d'établir un lien de filiation entre ces deux derniers. Cette méthode ne permet donc ni un rapport d'identité, ni un rapport de parenté entre la langue cible et la langue recréée.

À l'inverse, le choix de la méthode toponymique, en (A), généralisée à l'adaptation des phonèmes et de leurs variantes contextuelles a les avantages suivants :
  • Il est plus économique, d'un point de vue formel, d'employer une seule méthode d'adaptation pour les phonèmes et leurs variantes contextuelles.
  • Elle adopte, comme vecteur d'adaptation à la compétence phonologique des francophones, des changements attestés des sons du norrois (ceux que l'on observe dans la toponymie et les emprunts français au norrois), et non des changements théorisés.
  • De cette manière, la langue résultante a un lien de parenté linguistique naturel avec la langue cible.
  • Elle établit un paysage linguistique homogène entre le franconorrois, la toponymie d'origine scandinave et les emprunts français au norrois.
  • La neutralisation des voyelles non accentuées, définie jusqu'à présent comme un inconvénient, doit aussi être présentée comme un avantage. Ce que cette méthode fait perdre à la langue en oppositions, elle lui fait gagner en facilité d'acquisition.

Enfin, la méthode en (A) n'implique pas nécessairement la perte d'opposition entre les trois voyelles inaccentuées. Ceci dépend de l'analyse que l'on fait de la prononciation de ces voyelles en norrois. Or, la question, qui est encore débattue dans les milieux académiques, n'aura sans doute jamais de réponse définitive.


lundi 29 octobre 2012

Adaptation des phonèmes du norrois

Le principe du projet "franconorrois" consiste à adapter les consonnes et les voyelles du norrois à la compétence phonologique des francophones. Plusieurs méthodes sont envisageables afin de définir quel phonème du français remplacera, en franconorrois, un phonème du norrois étranger aux locuteurs de français.
Par exemple, le phonème /θ/ est absent de l'inventaire phonologique du français. Son adaptation consistera donc, selon la méthode que l'on choisit, à :
  1. Prendre le phonème du français le plus proche en terme de traits articulatoires (A).
  2. Prendre l'adaptation, en français, d'un phonème correspondant dans une langue tierce (B).
  3. Prendre l'adaptation de ce phonème dans la toponymie et les emprunts français au norrois (C).

Étant donné les résultats divergents de ces trois méthodes, une seule peut être retenue. Il convient donc de choisir celle qui présente le plus d'avantages.
  1. La première méthode a l'avantage de ne faire intervenir aucune influence d'une langue tierce. En revanche, elle offre plusieurs résultats possibles pour l'adaptation d'un phonème. En effet, il est difficile de déterminer lequel des phonèmes /f/, /t/ ou /s/ est le plus proche de l'articulation de /θ/.
  2. La deuxième méthode a l'avantage de donner un seul résultat. Toutefois, elle fait intervenir une langue autre que le norrois ou le français. Or, il est théoriquement difficile de dire si les sons du norrois étaient acoustiquement proches des sons pris pour équivalents en anglais. Enfin, elle propose une solution (/θ/ → /s/) qui n'est attestée, à notre connaissance, dans aucune langue scandinave. Ceci jette le doute sur le fait qu'une telle évolution soit permise par le système phonologique du norrois.
  3. La troisième méthode a plusieurs avantages :
  • Elle donne un seul résultat.
  • Elle ne fait intervenir aucune influence extérieure au norrois et au français.
  • Elle emploie des changements attestés des sons du norrois (mais pas du norrois lui-même) dans la toponymie et les emprunts.
  • Ces changements sont attestés dans d'autres dialectes scandinaves modernes.
  • Elle établit un paysage linguistique homogène entre la langue et la toponymie d'origine scandinave en France. Or, cela fait partie d'une des priorités des mouvements de renaissance de langue (voir, pour le cornique, Bennett et al. 2007 : p. 3).
La méthode d'adaptation retenue est donc la troisième. Un phonème norrois absent de la compétence phonologique des francophones a pour équivalent, en franconorrois, le premier stade présent dans l'inventaire phonologique du français de son évolution au sein de la toponymie ou des emprunts français au norrois.


dimanche 28 octobre 2012

La Compétence phonologique des francophones

La variété de français traitée ici est le français standard de France. La compétence phonologique des locuteurs de ce dernier est définie par l'ensemble de ses phonèmes et de leurs allophones dans un contexte donné (pour une définition des compétence et performance linguistiques, voir Chomsky, 1965 : p. 3-15). L'inventaire suivant des consonnes et voyelles du français est basé essentiellement sur Fougeron & Smith (1999). Les sons étrangers au norrois sont en vert.












  • Le son [c] est un allophone de /k/ devant les voyelles antérieures fermées et semi-fermées /i/, /e/, /y/ et /ø/.
  • Le son [ɟ] est un allophone de /g/ devant les voyelles antérieures fermées et semi-fermées /i/, /e/, /y/ et /ø/.
  • Le son [χ] est un allophone de /ʁ/ devant les consonnes sourdes.
  • Le son [m̥] est un allophone de /m/ en position finale après une consonne sourde.
  • Le son [ŋ] est, selon les analyses, soit un allophone de /n/ devant la consonne vélaire /g/, soit un phonème à  part entière du français.
  • Le son [l̥] est un allophone de /l/ en position finale après une consonne sourde. 














vendredi 26 octobre 2012

Les Voyelles du norrois

L'inventaire suivant des voyelles du norrois est basé sur Gordon (1927) et Barnes (1999). Les symboles entre parenthèses représentent les sons du norrois qui n'ont pas de valeur phonémique. Les symboles en rouge représentent les sons absents de la compétence phonologique des locuteurs de français (c.-à-d. les sons qui ne représentent ni des phonèmes du français, ni des variantes allophoniques de ces derniers dans un contexte donné).
Le norrois présente des voyelles brèves, des voyelles longues et des voyelles nasales. Les voyelles nasales peuvent être soit brèves soit longues, sans qu'elles ne s'opposent. Nous ne retiendrons donc ici que leur trait de nasalité.


  • Les voyelles réduites, symbolisées par [ɪ], [ɐ] et [ʊ], sont respectivement les allophones de /i/, /ɑ/ et /u/ en position non accentuée.
  • Les voyelles sont nasalisées lorsqu'elles précèdent ou suivent directement une consonne nasale.
Le franconorrois présente donc toute les voyelles du norrois incluses dans la compétence phonologique des francophones (en noir). Les voyelles qui n'en font pas partie (en rouge) sont remplacées par des éléments issus de la compétence des locuteurs de français. Ceci concerne :
  1. La voyelle brève /ɑ/.
  2. Les neuf voyelles longues : /ii/, /yy/, /uu/, /ee/, /øø/, /oo/, /ɛɛ/, /ɔɔ/ et /ɑɑ/.
  3. Les six voyelles nasales fermées et semi-fermées : /ĩ/, /ỹ/, /ũ/, /ẽ/, /ø̃/ et /õ/.
  4. Les trois voyelles non accentuées : [ɪ], [ɐ] et [ʊ].

jeudi 25 octobre 2012

Les Consonnes du norrois

L'inventaire suivant des consonnes du norrois est basé sur Gordon (1927) et Barnes (1999). Les symboles entre parenthèses représentent les sons du norrois qui n'ont pas de valeur phonémique. Les symboles en rouge représentent les sons absents de la compétence phonologique des locuteurs de français (c.-à-d. les sons qui ne représentent ni des phonèmes du français, ni des variantes allophoniques de ces derniers dans un contexte donné).


aaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
  • Les occlusives aspirées [pʰ], [tʰ] et [kʰ] sont respectivement les allophones de /p/, de /t/ et de /k/ en position initiale devant une voyelle tonique.
  • Le son [c] est un allophone du phonème /k/ en position non initiale devant /i/ ou /j/.
  • Le son [ɟ] est un allophone du phonème /g/ en position non initiale devant /i/ ou /j/.
  • Le son [ɸ] est un allophone du phonème /p/ devant /t/ et /s/.
  • Le son [v] est un allophone du phonème /f/ en position non initiale.
  • Le son [ð] est un allophone du phonème /θ/ en position non initiale ou en position initiale dans une liste fermée de mots : þá, þar, þat, þeir, þit, þú et leurs formes dérivées.
  • Le son [ç] est un allophone du phonème /h/ devant le phonème /j/.
  • Le son [x] est un allophone du phonème /h/ devant le phonème /w/, et un allophone du phonème /g/ devant /t/ et /s/.
  • Le son [ɣ] est un allophone du phonème /g/ en position intervocalique et en position finale, excepté s'il est directement suivi par /t/ ou /s/.
  • Le son [n̥] est un allophone du phonème /n/ suivant directement une consonne sourde en position finale, ou suivant directement un /h/.
  • Le son [ŋ] est un allophone du phonème /n/ devant les occlusives vélaires /k/ et /g/.
  • Le son [r̥] est un allophone du phonème /r/ suivant directement une consonne sourde en position finale, ou suivant directement un /h/.
  • Le son [l̥] est un allophone du phonème /l/ suivant directement une consonne sourde en position finale, ou suivant directement un /h/.
  • Le son [ɭ] est un allophone du phonème /l/ lorsque celui-ci précède ou suit une voyelle tonique dans un mot qui ne présente aucune des consonnes dentales suivantes : /d/, /l/, /n/, /r/.
Le franconorrois présente donc toute les consonnes du norrois incluses dans la compétence phonologique des francophones (en noir). Les consonnes qui n'en font pas partie (en rouge) sont remplacées par des éléments issus de la compétence des locuteurs de français. Ceci concerne :
  1. Les quatre phonèmes : /θ/, /h/, /r/ et /ɽ/.
  2. Les douze variantes contextuelles : [pʰ], [tʰ], [kʰ], [ɸ], [ð], [ç], [x], [ɣ], [n̥], [r̥], [l̥] et [ɭ]. 


mardi 23 octobre 2012

Les trois étapes du projet

Le projet « Franconorrois » s'articulent en trois étapes essentielles.

En premier lieu, il importe de définir la forme de norrois à recréer. Un amalgame est généralement fait entre le norrois et le vieil islandais du XIIème siècle. Toutefois, la variété de norrois qui fut parlée en Neustrie devrait théoriquement correspondre à une forme orientale du Xème siècle. L'étude de la toponymie et des emprunts scandinaves permet de définir la forme de la langue cible.

La deuxième étape est l'adaptation de la langue cible à la compétence linguistique des francophones. Les éléments du norrois absents de la structure du français standard (par exemple consonnes et voyelles) sont remplacés par des éléments présents dans cette dernière. Cette étape est donc marquée par une rephonologisation, une relexification et une resyntaxisation du norrois.

La troisième étape est l'autonomisation de la langue résultante (le "franconorrois"). L'apprentissage et l'utilisation de la langue permettent de définir une forme standard.